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MO

Février 2019

J’ai 30 ans et j’ai l’impression de renaître. A ma sortie de prison il y a 15 mois, j’avais perdu tous mes repères mais aussi le goût de la vie. Le monde avait changé : mes amis, la mode, les rues…et j’étais en décalage total, je ne savais même pas utiliser un smartphone ! Par chance, peu de temps après, j’ai fait la connaissance de celle qui est aujourd’hui ma femme.
Du jour où on s’est rencontrés, on ne s’est plus jamais quittés ! On s’est mariés il y a quelques semaines et on est super heureux ensemble, on a plein de projets. Elle m’a beaucoup aidé à reprendre pied.

C’est grâce à elle et au CPAS que je me suis inscrit au programme Coach2start d’Art2work. Ces 6 semaines de coaching ont été un formidable moyen de m’ouvrir et de découvrir beaucoup de choses sur moi. Ca a été comme un déclic et j’avais besoin de ça pour me redonner confiance et envie. Je sais maintenant que j’ai les bases et les atouts pour réussir et que « quand on veut, on peut » ! C’est possible de tourner la page et d’aller de l’avant - contrairement à ce que beaucoup de gens veulent nous faire croire - et ce n’est pas parce que tu
t’appelles Mohamed et que tu viens de Molenbeek que tu es condamné à ne jamais t’en sortir. Certains des coachs d’Art2work ont aussi des histoires très dures mais ils ne mettent pas de masques : ils assument ce passé difficile et ils en font une force.

Je crois que mon passé aussi peut devenir ma force. Molenbeek quand tu es gamin c’est plutôt sympa mais plus tard les choses peuvent se compliquer surtout si, très jeune, tu passes déjà des nuits entières à trainer dehors. J’ai reçu une bonne éducation des mes parents mais ils étaient déjà âgés et j’ai grandi trop vite sans qu’il n’y ait personne pour me poser de limites. J’avais aussi de mauvaises fréquentations et à 17 ans, j’ai été dessaisi et condamné une première fois à une peine de prison de quelques mois. Ma mère est morte à ce moment là et ça a été très dur.

Quand je suis sorti, j’ai voulu prendre ma vie en main. Je me suis marié une première fois, j’ai eu un fils qui a aujourd’hui neuf ans et demi et puis à 21 ans, je suis devenu indépendant en ouvrant mon propre vidéoclub. J’avais toujours aimé ça les vidéoclubs mais je n’avais pas imaginé que ça serait un tel gouffre financier. Après deux ans, j’ai fait faillite puis on s’est séparé avec mon ex-femme et là j’ai complètement dérapé. Ca a été la descente aux enfers. Les peines se sont cumulées et à 24 ans, je me suis retrouvé condamné à 6 ans de prison.

La prison ça te brise et il n’y a rien de pire que d’être privé de liberté. Même si aujourd’hui ça va beaucoup mieux, j’en garde des séquelles physiques et surtout
morales. Ceux qui en sortent en disant que ça ne leur a rien fait, c’est faux parce que c’est la même chose pour tout le monde : quand tu y es, tu n’as plus rien, tu n’es plus personne.
En prison, j’ai perdu mon père et ça a été un des moments les plus douloureux. Heureusement, pour occuper le temps, j’ai pu travailler et suivre quelques formations en attendant ma libération.

Dans ma vie, je suis tombé très bas mais j’ai toujours su me relever alors pourquoi ne pas aider les autres à le faire ? Aujourd’hui, je veux pouvoir partager et transmettre mon expérience. J’aimerais beaucoup devenir éducateur et travailler auprès de jeunes qui, comme moi, ont eu des parcours difficiles et ont connu la prison. Je sais que j’aurais les mots pour m’adresser à eux et les aider.

En attendant j’ai postulé à Bruxelles Propreté pour travailler le matin ou en journée et pouvoir suivre la formation d’éducateur en cours du soir. Et qui sait, peut-être que d’ici quelques années, je pourrai à mon tour réussir à redonner courage à des jeunes en les envoyant suivre la formation à Art2work !